Le mouvement bodypositive, avec ses messages d’acceptation de soi et de célébration de la diversité des corps, a permis de remettre en question les normes rigides de beauté. Cependant, au fur et à mesure que ce mouvement a gagné en popularité, une contradiction flagrante est apparue dans l’industrie de la mode grande taille. Alors que le bodypositivisme prône l’inclusivité, certaines marques et médias n’adoptent que partiellement cette philosophie, privilégiant une image glamour et normée des mannequins grande taille. Cette approche, souvent qualifiée de « faux bodypositivisme », soulève des questions sur la véritable nature de l’inclusivité dans la mode grande taille.
Le glamour comme exigence incontournable
Lorsque l’on parle de mode grande taille, la représentation visuelle est souvent marquée par une esthétique glamour. Les mannequins grande taille qui sont mises en avant dans les magazines ou les publicités répondent généralement à des critères spécifiques : elles sont grandes, bien proportionnées, avec des traits du visage réguliers, et elles sont souvent stylisées de manière très glamour. Ces représentations, bien que célébrant des femmes rondes, perpétuent encore des normes esthétiques strictes qui excluent de nombreuses autres morphologies.
Le glamour, bien qu’attrayant, devient ainsi une exigence incontournable pour les mannequins grande taille. Elles doivent non seulement porter des tailles plus grandes, mais aussi correspondre à une certaine idée de la beauté acceptable : peau lisse, courbes harmonieuses, et souvent un maquillage sophistiqué. En d’autres termes, elles ne sont pas aussi libres que le message bodypositive voudrait le laisser penser. La diversité des corps reste limitée à des corps jugés « agréables » ou « acceptables » selon les standards de la mode.
Un bodypositivisme édulcoré
Ce phénomène de « faux bodypositivisme » reflète une version édulcorée du mouvement, où seuls les corps légèrement en dehors des normes traditionnelles sont acceptés. Les mannequins grande taille que l’on voit dans les campagnes publicitaires sont souvent des femmes qui portent des tailles allant jusqu’à 44 ou 46, mais rarement au-delà. Cette inclusion partielle fait que le bodypositivisme se transforme en une simple opportunité marketing, sans remettre fondamentalement en cause les standards esthétiques de l’industrie de la mode.
En apparence, ces campagnes semblent célébrer la diversité, mais elles se limitent souvent à des corps qui se rapprochent encore des normes de beauté traditionnelles. Les corps plus ronds, avec des ventres proéminents, des bras plus larges ou des formes moins « idéalisées », sont encore largement absents des représentations visuelles de la mode grande taille.
Quand la mode « grande taille » exclut les très grandes tailles
Cette obsession pour le glamour et le « faux bodypositivisme » a également un impact direct sur la manière dont les très grandes tailles sont représentées (ou plutôt non représentées) dans la mode. Bien que certaines marques se vantent de proposer des vêtements jusqu’à la taille 52 ou 54, ces tailles sont rarement mises en avant dans leurs campagnes publicitaires ou leurs défilés.
Ce manque de représentation des très grandes tailles contribue à renforcer l’idée que seuls certains corps ronds sont acceptables et méritent d’être montrés. Les femmes qui portent des tailles au-delà du 46 se sentent souvent exclues des campagnes bodypositive, car elles ne se reconnaissent pas dans les mannequins qui sont censées les représenter.
Le camouflage, un héritage persistant
Le faux bodypositivisme dans la mode grande taille se manifeste également par le style des vêtements proposés. Les marques, même celles qui prônent l’inclusivité, continuent souvent à privilégier des coupes destinées à « camoufler » certaines parties du corps. Les vêtements grande taille sont fréquemment conçus pour minimiser les courbes, cacher le ventre ou allonger la silhouette.
Cette approche du camouflage est contradictoire avec les principes du bodypositivisme, qui prône l’acceptation de soi telle que l’on est. En cherchant à dissimuler les formes, l’industrie de la mode perpétue l’idée que certains aspects du corps rond sont indésirables, ce qui va à l’encontre du message de célébration et d’acceptation que le mouvement bodypositive prône.
Une récupération marketing dangereuse
La récupération du bodypositivisme par les marques de mode, sans engagement réel envers la diversité des corps, représente une menace pour l’intégrité du mouvement. En transformant ce message en un outil marketing, ces marques contribuent à vider le bodypositivisme de sa substance et à en faire un simple argument de vente. Cette tendance, que l’on peut qualifier de « bodypositive washing », a pour effet de réduire le mouvement à une mode passagère, plutôt qu’à un véritable changement des mentalités.
Les campagnes publicitaires qui surfent sur la vague du bodypositive ne sont souvent qu’une manière pour les marques de se positionner comme inclusives, sans pour autant remettre en question les normes esthétiques qu’elles véhiculent. Elles profitent du désir croissant des consommateurs pour plus de diversité, tout en maintenant des standards restrictifs de beauté.
Le glamour peut-il coexister avec l’inclusivité ?
La question qui se pose est la suivante : le glamour peut-il coexister avec le bodypositivisme authentique ? Peut-on vraiment célébrer la diversité des corps tout en s’en tenant à une esthétique glamour et normée ? La réponse est complexe. Le glamour, tel qu’il est représenté dans l’industrie de la mode, tend à exclure les corps qui ne correspondent pas à une certaine idée de la beauté. Cependant, il est possible de redéfinir le glamour pour qu’il englobe une plus grande diversité de corps et de styles.
Pour que le bodypositivisme devienne un mouvement véritablement inclusif, il est nécessaire que l’industrie de la mode accepte de montrer des corps dans toute leur diversité, sans chercher à les conformer à des standards de beauté préétablis. Cela signifie aussi permettre à des corps très différents de s’approprier le glamour, sans compromis sur leur authenticité.
Vers un bodypositivisme véritablement inclusif
Le faux bodypositivisme, combiné à l’exigence du glamour, constitue une barrière pour une véritable inclusion dans la mode grande taille. Tant que les marques et les médias continueront à privilégier une représentation normée des mannequins grande taille, le mouvement bodypositive restera limité dans son impact.
Pour que la mode grande taille devienne réellement inclusive, il est essentiel de s’éloigner des exigences de glamour traditionnel et de célébrer la diversité des corps dans toute sa complexité. Seul un engagement sincère envers la diversité pourra permettre au bodypositivisme de rester fidèle à ses valeurs et de continuer à inspirer toutes les femmes, peu importe leur taille ou leur forme.
Source photo de couverture : Canva