Skip to main content

Dans un contexte où le poids est souvent au cœur des préoccupations sociétales, le livre « Gros n’est pas un gros mot » de Daria Marx et Eva Perez-Bello fait figure de manifeste. Publié en 2018, cet ouvrage s’attaque frontalement au tabou de la « grosseur » et à la discrimination à l’égard des personnes en surpoids, qu’on appelle la « grossophobie ». À travers un discours à la fois militant et pédagogique, les deux autrices nous invitent à repenser la place du corps dans la société française, en dénonçant préjugés et injustices.

Les deux fondatrices du collectif Gras Politique s’appuient autant sur leurs vécus personnels que sur des témoignages et données pour illustrer le phénomène de la grossophobie en France. Leur objectif : sensibiliser le grand public et offrir des clés de compréhension à celles et ceux qui se sentent victimes de stigmatisation. Dans cet article de blog, nous plongerons au cœur des thèses défendues dans « Gros n’est pas un gros mot », en explorant l’angle militant, les spécificités françaises de la grossophobie et les répercussions sur la santé mentale et sociale des personnes concernées.

Contexte et genèse de l’ouvrage

Avant de publier « Gros n’est pas un gros mot », Daria Marx et Eva Perez-Bello étaient déjà actives sur les réseaux sociaux et dans le milieu militant pour les droits des personnes grosses. Leur collectif, Gras Politique, constitue un espace d’entraide et de réflexion dédié à la déconstruction des normes liées au poids. L’idée de l’ouvrage est née du constat qu’en France, la grossophobie demeure banalisée et sous-estimée.

  • La grossophobie, c’est quoi ?
    Le terme « grossophobie » désigne l’ensemble des attitudes négatives, discriminations et stigmatisations à l’encontre des personnes grosses. Cela inclut les moqueries, le harcèlement, la mise à l’écart, mais aussi les discriminations institutionnelles (accès à l’emploi, soins médicaux, etc.).
  • Une urgence sociale et psychologique
    Selon les autrices, la grossophobie n’est pas un phénomène marginal : elle s’exprime dans la rue, au travail, à l’école, dans les médias et même au sein de la famille. Les conséquences sur l’estime de soi et la santé mentale sont parfois dévastatrices, créant un sentiment de honte et de culpabilité qui pèse lourdement sur la vie quotidienne.

Les grandes lignes du livre

Témoignages et récits personnels

Daria Marx et Eva Perez-Bello ancrent leur propos dans leurs propres histoires. Elles relatent les difficultés qu’elles ont rencontrées dans leur parcours scolaire, professionnel, ou encore dans leur vie intime. Cet ancrage personnel confère une dimension authentique au livre et permet au lecteur ou à la lectrice de s’identifier, ou du moins de saisir la réalité concrète de la grossophobie.

Déconstruction des mythes autour du poids

Le livre démonte plusieurs idées reçues :

  • L’idée selon laquelle être gros serait forcément un « choix » ou le résultat d’un manque de volonté ;
  • La croyance que la santé d’une personne peut se résumer à son IMC ;
  • L’association systématique entre obésité et maladies, sans tenir compte des multiples facteurs (génétiques, sociaux, environnementaux).

Les autrices invitent ainsi à dépasser la vision simpliste qui consiste à considérer la « grosseur » comme une pathologie individuelle, pour la replacer dans un contexte social plus large, où la pression normative et la culpabilisation permanentent occupent une place majeure.

Les structures de pouvoir et les discriminations institutionnelles

Daria Marx et Eva Perez-Bello abordent aussi l’influence du système de santé, des politiques publiques et des entreprises. Elles soulignent que la grossophobie n’est pas uniquement le fait d’individus isolés, mais qu’elle s’inscrit dans des mécanismes institutionnels :

  • Médecine : culpabilisation du patient gros, refus de soins adaptés, pression diététique systématique ;
  • Emploi : difficultés à être embauché·e ou promu·e, normes vestimentaires contraignantes ;
  • Accessibilité : mobilier urbain inadapté, absence de tailles dans les vêtements de travail, etc.

Ce passage est crucial pour comprendre que la grossophobie n’est pas qu’une affaire de « remarques blessantes », mais un phénomène structurel qui se manifeste dans divers pans de la vie sociale.

Une approche militante et pédagogique

Le pouvoir des mots

En intitulant leur livre « Gros n’est pas un gros mot », les autrices cherchent à réhabiliter le terme « gros », trop souvent utilisé comme une insulte. En l’assumant et en le réinvestissant, elles défendent l’idée que « gros » doit redevenir un qualificatif neutre, au même titre que « mince » ou « grand ».

Encourager la prise de parole

Le livre incite les personnes grosses à sortir de la culpabilité et à prendre conscience de la violence qui leur est infligée. Il propose également des pistes pour organiser la résistance :

  • Rejoindre des collectifs ou des associations anti-grossophobie ;
  • Témoigner de son vécu sur les réseaux sociaux ou dans les médias ;
  • Interroger les professionnels de santé sur leurs pratiques et exiger des prises en charge respectueuses.

Un appel au changement social

Pour Daria Marx et Eva Perez-Bello, il est urgent de transformer les mentalités et les politiques publiques. Cela passe par l’intégration de la lutte contre la grossophobie dans les formations des professionnels (médecins, enseignants, etc.), dans les chartes d’entreprises, ou encore dans la publicité et la mode.

L’impact du livre en France

À sa sortie, « Gros n’est pas un gros mot » a suscité un débat médiatique et a contribué à rendre visible la notion de grossophobie en France. Les médias grand public, de plus en plus interpellés, ont commencé à aborder la question, aidant ainsi à légitimer les revendications des personnes grosses.

Le livre a aussi rencontré son public auprès de lecteurs et lectrices qui cherchaient des ressources pour mieux comprendre ou nommer leurs expériences. De nombreux témoignages soulignent à quel point l’ouvrage a permis une prise de conscience et un sentiment de reconnaissance : enfin, on mettait des mots sur un mal-être trop souvent minimisé.

Les critiques et limites

Comme toute œuvre militante, le livre n’échappe pas à certaines critiques :

  • Une vision parfois très engagée qui peut dérouter les lecteurs peu habitués au discours militant.
  • L’absence relative d’études médicales détaillées sur la question du surpoids : même si les autrices dénoncent avec raison l’obsession médicale pour l’IMC, certains lecteurs auraient apprécié une analyse plus poussée de la relation entre poids et santé.
  • Un angle essentiellement français : le livre ne s’attarde pas suffisamment sur les contextes internationaux et les comparaisons culturelles, ce qui peut limiter la portée du propos.

Cependant, ces limites n’enlèvent rien à la force de l’ouvrage. Les autrices ne prétendent pas livrer une thèse universitaire exhaustive, mais bien un manifeste politique et personnel destiné à ouvrir la voie à un débat public.

Pourquoi lire « Gros n’est pas un gros mot » aujourd’hui ?

  • Pour comprendre la grossophobie : l’ouvrage offre une définition claire et des exemples concrets, permettant de prendre conscience de la banalisation de cette discrimination en France.
  • Pour soutenir la cause : il s’agit d’un texte majeur qui a contribué à populariser la question de la grossophobie dans l’Hexagone, rejoignant ainsi d’autres combats pour l’inclusivité.
  • Pour se sentir moins seul·e : pour les personnes rondes ou grosses, ce livre peut être un véritable soutien psychologique, tant il met en lumière des réalités souvent tues.
  • Pour engager le dialogue : dans le cadre de discussions familiales, amicales ou professionnelles, il aide à désamorcer certains propos ou préjugés, et à sensibiliser son entourage.

Avec « Gros n’est pas un gros mot », Daria Marx et Eva Perez-Bello ont offert au public français un outil indispensable pour comprendre et combattre la grossophobie. Sans tabou, avec un ton à la fois direct et bienveillant, elles réussissent à rendre visible un problème de société trop longtemps ignoré ou minimisé.

Au fil des pages, on ressent la volonté profonde de libérer la parole : non seulement celle des personnes grosses qui peuvent enfin se reconnaître dans un discours, mais aussi celle de tout lecteur ou lectrice souhaitant s’engager contre les discriminations. Bien que le livre soit orienté vers le militantisme, il comporte suffisamment de pistes de réflexion et d’exemples concrets pour intéresser un public large, allant des professionnels de la santé aux parents, enseignants et proches d’une personne grosse.

En définitive, si vous recherchez un ouvrage pour élargir votre horizon, déconstruire les clichés et entamer un cheminement vers plus de bienveillance (envers vous-même ou envers autrui), « Gros n’est pas un gros mot » s’impose comme une lecture incontournable. Il réhabilite le terme « gros », rappelle que nos corps méritent tous le respect et invite la société à revoir ses jugements.

Source image de couverture : https://www.leboncoin.fr/ad/livres/2855037865

Leave a Reply