Depuis plusieurs mois, une inquiétude grandissante entoure certains médicaments prescrits pour la perte de poids aux États-Unis. Des patients rapportent des effets secondaires graves, dont une perte soudaine de la vision. Ces traitements, pris par près de 15 millions d’Américains, sont aujourd’hui scrutés de près par la communauté scientifique et médicale. Une nouvelle affaire du Mediator serait-elle en train d’émerger outre-Atlantique ?
Des médicaments populaires sous le feu des critiques
Des noms comme Ozempic, Wegovy et Mounjaro sont devenus des références en matière de perte de poids et de gestion du diabète. Ces traitements, appartenant à la classe des agonistes du GLP-1, ont montré leur efficacité dans la réduction de l’appétit et la gestion de la glycémie. Pourtant, ces médicaments pourraient également être liés à un effet secondaire particulièrement inquiétant : la neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (NAION), une maladie entraînant une perte soudaine et parfois irréversible de la vision.
Selon plusieurs études récentes, ce risque concernerait davantage les patients atteints de diabète de type 2 et les personnes en situation de surpoids. L’un des ingrédients actifs présents dans ces traitements pourrait multiplier par quatre le risque de NAION chez les diabétiques et par sept chez les personnes obèses.

Des témoignages accablants
Derrière ces chiffres alarmants, des histoires personnelles émergent et mettent en lumière l’impact dramatique de ces effets secondaires.
Un patient de 56 ans, ancien mécanicien dans le New Jersey, a vu sa vie basculer après une augmentation de sa dose de Mounjaro en mars 2024. Peu après, sa vision est devenue trouble, l’empêchant d’exercer son métier. Déterminé à faire entendre sa voix, il envisage aujourd’hui une action en justice contre le fabricant du médicament, Lilly and Company.
Un autre cas concerne une femme du même âge qui a porté plainte en février 2025 contre Novo Nordisk, le fabricant de l’Ozempic et du Wegovy. Selon elle, l’entreprise aurait minimisé les risques liés à l’utilisation de ces médicaments, pratiquant un marketing trompeur. Sa perte de vision l’a rendue dépendante et l’a contrainte à cesser son activité professionnelle.
Des études scientifiques qui confirment le lien
Plusieurs recherches récentes soutiennent ces témoignages.
- Une étude réalisée par le Mass Eye and Ear, un hôpital universitaire affilié à la Harvard Medical School, a établi un lien entre la prise d’agonistes du GLP-1 et un risque accru de NAION. Publiée en juillet 2024, puis complétée en octobre et en février, elle montre une augmentation significative du risque de neuropathie optique chez les patients prenant ces traitements.
- Une seconde étude, menée par le John A. Moran Eye Center de l’université de l’Utah, a analysé le cas de neuf patients souffrant d’une perte de vision après avoir pris ces médicaments. Publiée dans la revue JAMA Ophthalmology en janvier 2025, cette recherche a identifié trois pathologies différentes, avec des symptômes correspondant, dans sept cas sur neuf, à la NAION.
Ces résultats viennent renforcer les inquiétudes et posent de sérieuses questions sur la sécurité de ces traitements.

Une réponse des laboratoires jugée insuffisante
Face à la montée des inquiétudes et des témoignages, les laboratoires concernés ont réagi, mais leurs déclarations restent prudentes.
Un porte-parole de Lilly and Company a insisté sur le fait que la sécurité des patients était une priorité absolue pour l’entreprise. Il a affirmé que la société continuait de surveiller et évaluer activement les effets secondaires de ses médicaments.
De son côté, Novo Nordisk a déclaré que la NAION n’était pas reconnue comme une réaction indésirable à leurs traitements et que la balance bénéfice-risque de ces médicaments restait inchangée.
Cependant, ces réponses n’apaisent pas les patients concernés, qui réclament plus de transparence et une meilleure information sur les effets secondaires potentiels de ces médicaments.
Quel parallèle avec l’affaire du Mediator ?
Le scandale du Mediator, médicament coupe-faim prescrit en France pendant plus de 30 ans, reste ancré dans les esprits. Retiré du marché en 2009 après avoir causé des centaines de morts en raison de complications cardiaques graves, ce médicament est devenu un symbole des dérives de l’industrie pharmaceutique et du manque de vigilance des autorités de santé.
Dans le cas des agonistes du GLP-1 comme l’Ozempic, le Mounjaro et le Wegovy, les effets secondaires signalés concernent principalement la vision. Mais l’absence de mises en garde claires, la minimisation des risques par les fabricants, et la montée en puissance des plaintes rappellent inévitablement le début de l’affaire Mediator.

Quelles précautions prendre ?
Si vous prenez ou envisagez de prendre l’un de ces médicaments pour la gestion du poids ou du diabète, voici quelques recommandations :
- Consultez régulièrement un ophtalmologue pour détecter d’éventuels troubles visuels précoces.
- Discutez avec votre médecin des risques potentiels et évaluez les alternatives disponibles.
- Surveillez l’évolution de votre vision et signalez immédiatement tout changement suspect.
- Évitez l’automédication et ne modifiez jamais la posologie sans avis médical.
En France, ces médicaments sont également prescrits, mais de façon plus encadrée. Toutefois, cette polémique américaine doit inciter à une vigilance accrue et à des recherches approfondies sur ces traitements.
Un avenir incertain pour ces traitements ?
Les médicaments comme l’Ozempic, le Wegovy et le Mounjaro resteront-ils longtemps sur le marché sans restrictions supplémentaires ? Les laboratoires pharmaceutiques vont-ils être contraints de modifier leurs notices et d’ajouter des avertissements plus explicites sur les risques liés à la vision ?
À l’heure actuelle, les autorités sanitaires américaines n’ont pas encore pris de mesures réglementaires fortes contre ces traitements. Mais si de nouvelles plaintes et études viennent corroborer ces premiers résultats, il est possible que ces médicaments fassent l’objet d’une surveillance renforcée, voire de restrictions dans leur prescription.
Ce dossier, qui ne fait que commencer, pourrait bien redessiner l’avenir des traitements contre l’obésité et forcer les laboratoires à une transparence accrue sur les effets secondaires de leurs produits.
Source des images : IA CANVE et Adobe Firefly