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Le Mediator fait partie de ces affaires médicales qui ont marqué l’histoire de la santé publique en France. Si aujourd’hui, son nom évoque un scandale retentissant, il a pourtant été prescrit à des milliers de patients pendant des décennies. Ce médicament, initialement conçu pour les diabétiques en surpoids, a été largement détourné comme coupe-faim. Une utilisation qui a conduit à une véritable catastrophe sanitaire.

Un médicament au cœur d’un scandale sanitaire

Commercialisé en 1976 par les laboratoires Servier, le Mediator (benfluorex) était à l’origine destiné aux patients souffrant de diabète de type 2. Pourtant, il a rapidement été prescrit comme un coup de pouce pour la perte de poids, notamment chez des personnes non diabétiques. Son action ressemblait à celle d’autres anorexigènes, dont certains avaient déjà été interdits en raison de leurs effets secondaires dangereux.

Ce n’est qu’en 2009, après plus de 30 ans de commercialisation, que le Mediator est retiré du marché. Trop tard pour des milliers de patients ayant développé de graves complications cardiaques et pulmonaires. L’affaire éclate alors au grand jour, révélant un scandale de santé publique d’une ampleur inédite.

Quels étaient les risques du Mediator ?

Le benfluorex, principe actif du Mediator, se métabolisait en amphétamines, entraînant des effets néfastes sur le cœur et les vaisseaux sanguins. De nombreuses études ont montré que le Mediator était responsable de valvulopathies cardiaques (dysfonctionnements des valves du cœur) et d’hypertension artérielle pulmonaire, une maladie rare mais mortelle.

Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le Mediator aurait causé entre 500 et 2 100 décès en France. Un chiffre effrayant, qui aurait pu être évité si les autorités sanitaires avaient réagi plus tôt.

Pourquoi le scandale a-t-il éclaté si tard ?

L’affaire du Mediator est avant tout celle d’un dysfonctionnement des systèmes de contrôle et de régulation du médicament en France. Alors que des signaux d’alerte existaient dès les années 1990, il a fallu attendre 2009 pour voir le médicament interdit.

Plusieurs pays européens avaient déjà banni des molécules similaires bien avant cette date. Pourtant, Servier a su exploiter les failles du système pour maintenir la commercialisation du Mediator. L’enquête a révélé que le laboratoire avait sciemment minimisé les risques et exercé des pressions sur les autorités de santé pour éviter une interdiction.

Le rôle clé d’Irène Frachon

Si le Mediator a finalement été retiré du marché, c’est en grande partie grâce à Irène Frachon, une pneumologue du CHU de Brest. Dès 2007, elle alerte sur les dangers du médicament après avoir constaté une corrélation entre la prise de Mediator et des cas graves de valvulopathies.

Son combat aboutit à la publication d’un livre choc en 2010, intitulé Mediator 150 mg : Combien de morts ?. Cette publication provoque une onde de choc et met la pression sur les pouvoirs publics. Grâce à elle, l’affaire prend une dimension judiciaire et conduit à un procès historique.

Un procès et des condamnations

L’affaire Mediator a donné lieu à l’un des plus grands procès sanitaires français. En 2021, après plus de 10 ans de procédures, les laboratoires Servier sont reconnus coupables de tromperie aggravée et d’homicides involontaires.

Le groupe a été condamné à une amende de 2,7 millions d’euros, tandis que son ancienne dirigeante, Jacqueline de Linares, a écopé de quatre ans de prison avec sursis. Une somme jugée bien dérisoire par les victimes et les associations de défense des patients.

le médiator

Source de l’image : Photo de Julie Viken: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/cinq-pilules-medicamenteuses-oblongues-593451/

Quelles leçons en tirer aujourd’hui ?

Le scandale du Mediator a mis en lumière les failles du système de pharmacovigilance et les liens troubles entre l’industrie pharmaceutique et les autorités de santé. Depuis, plusieurs réformes ont été mises en place pour renforcer la transparence et la surveillance des médicaments en France.

Mais cette affaire reste une piqûre de rappel : la santé des patients ne doit jamais être sacrifiée sur l’autel du profit. La vigilance reste de mise, notamment face aux nouveaux traitements promettant des miracles, comme les médicaments actuels contre l’obésité, qui font aujourd’hui l’objet de controverses aux États-Unis.

Une mémoire à préserver

Alors que le scandale du Mediator tend à s’effacer dans la mémoire collective, il est essentiel de ne pas oublier. Derrière cette affaire, il y a des victimes, des familles endeuillées et une lutte acharnée pour la vérité. Se rappeler du Mediator, c’est aussi rappeler que la sécurité sanitaire doit toujours primer sur les intérêts financiers.

Source de l'image de couverture : Photo de Polina Tankilevitch: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-individu-femme-medicament-3873191/

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