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Fattitude est un documentaire américain réalisé par Lindsey Averill et Viridiana Lieberman, sorti en 2017. Il s’intéresse particulièrement à la culture de la grossophobie et à la manière dont les médias façonnent notre perception des corps ronds. Le titre, un mélange de « fat » (gros) et « attitude », pose d’emblée le ton : revendiquer une certaine fierté ou confiance (« attitude ») tout en étant « fat ».

Dans un contexte où les discriminations basées sur le poids restent banalisées, Fattitude se démarque en examinant la représentation des personnes grosses au cinéma, à la télévision et dans les publicités. Le documentaire ne se limite pas à un constat : il propose également des pistes pour déconstruire ces images négatives et repenser le rôle des médias dans la société. Dans cet article, nous explorerons les grands axes du film, ses apports et les débats qu’il suscite.

La genèse de « Fattitude »

Un projet né sur Kickstarter

Le documentaire a vu le jour grâce à une campagne de financement participatif réussie sur Kickstarter. Cette approche reflète l’intérêt grandissant pour la question de la grossophobie et la volonté de nombreuses personnes de soutenir un projet qui donne la parole aux gros·ses.

Les motivations des réalisatrices

Lindsey Averill, qui se décrit elle-même comme une femme grosse, s’est associée à Viridiana Lieberman pour interroger la relation entre la culture populaire et la haine de soi que beaucoup de personnes grosses éprouvent. Les réalisatrices voulaient créer un film qui soit à la fois informatif, engagé et accessible au grand public.

Le contenu du documentaire

Analyse de la représentation des corps ronds dans les médias

Une part importante de Fattitude est consacrée à un démontage minutieux des stéréotypes véhiculés par la télévision, le cinéma, la publicité, mais aussi la presse féminine. Les réalisatrices montrent comment la personne grosse est souvent cantonnée à des rôles caricaturaux :

  • Le personnage comique, maladroit ou paresseux ;
  • La personne malheureuse, en échec sentimental ou professionnel ;
  • L’ami·e confidente, sans vie sexuelle propre et toujours relégué·e au second plan.

Cette représentation répétée finit par s’infiltrer dans l’imaginaire collectif, produisant l’idée que la grosseur serait synonyme de défaut moral, de manque de volonté ou d’infériorité sociale.

Témoignages de militant·e·s et d’expert·e·s

Pour étayer leur propos, Lindsey Averill et Viridiana Lieberman donnent la parole à des militant·e·s body positive, des psychologues, des sociologues et des professeurs d’études culturelles. Ces intervenant·e·s analysent la grossophobie comme un phénomène systémique, tout en partageant leurs propres expériences de discrimination.

Ces témoignages viennent compléter l’analyse des images médiatiques, soulignant la manière dont la grossophobie affecte la vie quotidienne des personnes grosses : humiliation, harcèlement, manque d’accessibilité, problèmes d’insertion professionnelle, etc.

Les normes de beauté et l’industrialisation de la minceur

Une autre facette intéressante de Fattitude concerne la critique de l’industrie du régime et des marques qui promeuvent des produits « minceur ». Les réalisatrices montrent comment le discours sur la perte de poids est souvent teinté de culpabilisation et de moralisation : être mince serait un signe de discipline et de bonne santé, tandis que la grosseur renverrait à la paresse et à la maladie.

Le documentaire rappelle que cette vision est contestable d’un point de vue médical (la minceur n’est pas un garant universel de santé) et contestée d’un point de vue social (elle justifie des actes discriminatoires).

Un regard inédit sur la grossophobie

Mettre en lumière une oppression souvent minimisée

Dans la plupart des sociétés occidentales, la discrimination liée au poids n’est pas reconnue comme un délit au même titre que le racisme ou l’homophobie. Fattitude milite pour une prise de conscience : la stigmatisation des personnes grosses est bel et bien une forme d’oppression, qui a des conséquences graves sur l’estime de soi, la santé mentale, et parfois même la vie professionnelle et affective.

L’angle intersectionnel

Le documentaire aborde également la question de l’intersection entre la grossophobie et d’autres discriminations (racisme, sexisme, validisme, etc.). Les femmes grosses racisées, par exemple, subissent souvent une double peine : être à la fois jugées sur leur poids et sur leur couleur de peau. Cette perspective intersectionnelle permet de mieux cerner la complexité de la grossophobie.

L’accueil du public et les critiques

Un accueil positif dans les milieux militants

Fattitude a été largement salué par les communautés body positive et les militant·e·s anti-grossophobie. Les projections-débats organisées autour du film ont donné lieu à des échanges riches, et de nombreux spectateurs ont exprimé leur soulagement de voir leur réalité enfin représentée à l’écran.

Des critiques portant sur le « biais militant »

Certains observateurs considèrent que le documentaire est trop orienté, en ce sens qu’il n’équilibre pas suffisamment les points de vue. De leur côté, les réalisatrices assument pleinement ce parti pris, estimant que la grossophobie est déjà tellement normalisée que leur rôle est de donner la parole à ceux et celles qui en sont victimes, plutôt qu’à ceux qui la perpétuent.

Un public encore limité

Malgré un succès d’estime, Fattitude n’a pas bénéficié d’une large distribution dans les cinémas grand public. Il est principalement accessible via certaines plateformes de streaming payantes et en DVD. Cela limite son impact potentiel auprès des personnes non sensibilisées à la cause, qui auraient pourtant le plus besoin de ce discours.

Pourquoi regarder « Fattitude » ?

  1. Prendre conscience de ses propres préjugés : Même sans être volontairement grossophobe, nous avons tous et toutes intégré des stéréotypes sur la grosseur. Fattitude aide à les identifier et à les remettre en question.
  2. Soutenir la cause : En regardant ce documentaire et en le recommandant, on encourage une représentation plus juste et plus nuancée des corps ronds dans la culture populaire.
  3. Découvrir des pistes d’action : Le film propose des stratégies militantes et des idées pour lutter contre la grossophobie : campagnes sur les réseaux sociaux, interventions dans les écoles, manifestations, etc.
  4. S’ouvrir à une vision intersectionnelle : Fattitude insiste sur la nécessité de comprendre que la discrimination liée au poids ne se cantonne pas au simple fait d’être « gros » ou « mince », mais qu’elle se combine souvent à d’autres formes d’inégalités.

Comment prolonger la réflexion après le visionnage ?

  • En parler autour de soi : Partagez vos impressions avec vos proches, organisez des séances de visionnage collectif et des débats.
  • Rejoindre des associations : Il existe aujourd’hui des collectifs anti-grossophobie, dont le rôle est précisément de promouvoir la diversité corporelle et de combattre les discriminations (par exemple, Gras Politique en France).
  • Surveiller son langage : Les mots importent. Cesser d’utiliser « gros » comme une insulte ou de valoriser systématiquement la minceur peut paraître anodin, mais cela contribue à changer les mentalités.
  • Soutenir d’autres productions : Le manque de diversité à l’écran est un problème de fond. Encourager les films, séries et documentaires qui montrent des personnages gros de manière positive est un moyen d’influencer l’industrie culturelle.

Fattitude est un documentaire essentiel pour quiconque s’intéresse à la question de la grossophobie et à la représentation des corps dans les médias. Il offre un regard critique sur les stéréotypes persistants qui associent la grosseur à la paresse, la tristesse ou le comique. Au-delà du constat, le film propose une réflexion sur la manière dont nous pouvons, collectivement, agir pour déconstruire ces images négatives et favoriser une société plus inclusive.

Bien qu’il soit parfois qualifié de « militant », ce parti pris est précisément ce qui donne au documentaire sa force et son authenticité. En donnant la parole aux principales personnes concernées, Fattitude met en évidence l’urgence de la lutte contre la grossophobie et la nécessité de réformer en profondeur nos imaginaires culturels.

Pour beaucoup de spectateurs, ce visionnage se révèle être un déclic salutaire, les amenant à remettre en cause des idées reçues et à envisager la diversité corporelle sous un jour nouveau. Que vous soyez directement concerné·e ou simplement curieux·se, ce documentaire ouvre un espace de dialogue, de compréhension et d’empathie — autant de leviers indispensables pour faire évoluer les mentalités.

Source image de couverture : https://vimeo.com/ondemand/fattitude

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