Quand on parle de grossophobie, on pense souvent à des remarques blessantes, à des vêtements introuvables ou à des regards déplacés dans la rue. Mais dans sa vidéo percutante intitulée « L’Europe est grossophobe », le Youtubeur Naj B Fit pousse la réflexion plus loin : et si ce n’était pas seulement les individus, mais tout un système – voire un continent – qui excluait les corps hors normes ?
À travers son ton tranchant, parfois sarcastique, Naj B Fit dénonce une réalité que beaucoup de personnes grosses connaissent bien. Et pourtant, cette fois, c’est dit haut et fort : voyager en Europe, pour une personne en surpoids, peut devenir un vrai parcours du combattant.
Un voyage en Europe qui vire au cauchemar
Dans sa vidéo, Naj B Fit commence par relayer les témoignages de plusieurs créatrices américaines rondes qui racontent leurs voyages en Europe. Leur point commun ? Elles ont toutes vécu des situations humiliantes ou inconfortables, simplement parce que leur corps ne rentrait pas dans les normes prévues ici.
Des chaises trop petites, des portes trop étroites, des escalators cassés, des marches infranchissables, des sièges de métro minuscules… Tout devient un obstacle. Et ce n’est pas seulement une question de confort. C’est une question de dignité.
Quand la norme devient l’exclusion
Ce qui frappe dans la vidéo, c’est à quel point ce qu’on considère ici comme “normal” peut devenir une source de souffrance pour d’autres. Les créateurs américains qui voyagent en Europe sont souvent choqués. Là où ils vivent, tout est plus grand : les voitures, les bâtiments, les vêtements, les portions de nourriture.
Alors, quand ils arrivent dans des villes comme Paris, Amsterdam, Rome ou Stockholm, ils se sentent immédiatement à l’étroit. Physiquement. Mais aussi émotionnellement.
Naj B Fit le souligne : ces infrastructures européennes, conçues sans tenir compte de la diversité corporelle, participent à une forme de violence passive. Une violence invisible, mais bien réelle, qui rappelle à chaque escalier ou à chaque siège de bus que “tu n’es pas prévu(e) ici”.
La France en ligne de mire
La France, pays souvent fantasmé à l’international pour son raffinement et sa gastronomie, se retrouve en première ligne des critiques. Les témoignages pointent du doigt les places de métro exiguës, les barrières trop étroites, et surtout, l’absence totale d’adaptation aux personnes grosses.
Ce n’est pas une surprise pour les Françaises rondes. Celles qui ont déjà tenté de s’asseoir dans certaines chaises de café ou de monter dans un manège sans y parvenir savent que l’espace public ne leur est pas toujours accessible. Ce que Naj B Fit révèle, c’est que cette grossophobie structurelle saute encore plus aux yeux des touristes qui n’y sont pas habitués.
Humour, réalité et malaise
Naj B Fit réussit l’exercice périlleux de dénoncer sans culpabiliser. Son ton humoristique, parfois grinçant, permet de mettre en lumière une réalité sans tomber dans le misérabilisme. Il cite, par exemple, une créatrice qui s’est retrouvée au sol après que la chaise sur laquelle elle s’asseyait se soit effondrée en Suède. D’autres racontent l’impossibilité de faire une randonnée avec leurs amis suédois, tant le niveau d’activité attendu semble élevé.
Derrière l’humour, une véritable détresse émerge. Une détresse que beaucoup de femmes rondes reconnaîtront : celle de ne pas pouvoir participer, de ne pas être incluse, de se sentir constamment jugée ou observée.
Le poids du regard européen
Un des constats les plus amers de la vidéo est celui du regard. En Italie, par exemple, certaines créatrices racontent les regards insistants, presque dégoûtés, des passants. En Suède, le regard devient surprise ou gêne. On regarde les corps ronds comme des anomalies.
Et cela n’est pas qu’un problème individuel. C’est le reflet d’une société où la minceur reste la norme valorisée, où la grossophobie est banalisée, parfois même médicalisée, sous couvert de santé publique.

Quand le corps devient un problème public
À plusieurs reprises, la vidéo aborde l’idée que ce n’est pas le corps des personnes grosses qui est un problème, mais le système. Une créatrice le dit très clairement : « Le problème, ce n’est pas mon corps, c’est le système ».
Ce système, ce sont ces sièges trop petits, ces vêtements introuvables, ces standards de beauté inaccessibles. C’est tout ce qui fait qu’un corps plus grand devient un corps gênant dans l’espace public. Non pas parce qu’il l’est, mais parce qu’il n’a pas été prévu, ni anticipé.
Quand l’inconfort devient parfois un déclic
Certaines créatrices américaines partagent aussi un ressenti plus nuancé. Après avoir vécu des situations de rejet ou d’inconfort en Europe, elles ont ressenti le besoin de reprendre en main leur bien-être. L’une d’elles raconte, après un séjour en Suède éprouvant, avoir commencé à marcher, puis à courir, pour pouvoir un jour visiter ce fameux château dont les portes étaient trop étroites pour elle. Ce n’est pas tant une injonction à changer, mais un déclic personnel. Le message ici n’est pas “maigris pour rentrer dans le moule”, mais “je veux me sentir capable de faire ce que j’aime”. Et parfois, l’environnement, même s’il est injuste, peut jouer un rôle dans cette prise de conscience.
Deux visions du monde : Europe vs États-Unis
Naj B Fit termine sa vidéo en comparant les deux visions de l’obésité entre l’Europe et les États-Unis. Aux États-Unis, l’environnement s’est adapté à une population de plus en plus en surpoids. En Europe, ce n’est pas (encore) le cas.
Le Youtubeur n’élude pas la question de la santé, ni celle des choix de vie. Mais il rappelle un fait essentiel : quand l’environnement te pousse à l’exclusion, c’est difficile d’avoir envie d’en prendre soin.
Certaines créatrices, choquées par l’inaccessibilité des lieux, en sont venues à changer d’habitudes. L’une d’elles s’est mise à courir et à rééquilibrer son alimentation après son séjour. Mais doit-on attendre de souffrir pour changer ? Et surtout, pourquoi ne pas rendre la société plus inclusive pour toutes les tailles, sans exception ?

Grossophobie ou différence culturelle ?
La question centrale soulevée par la vidéo est aussi celle-ci : l’Europe est-elle grossophobe… ou simplement différente ? Il est difficile de demander à l’Europe de s’adapter totalement à une norme américaine, alors même que le taux d’obésité en Europe reste nettement plus bas. Ce n’est pas que les infrastructures sont pensées “contre” les personnes grosses, mais elles sont souvent conçues pour une population plus mince dans l’ensemble.
Et après tout, quand un Européen visite les États-Unis, il est souvent frappé par la taille des portions, des voitures, des trottoirs, ou même des lits. Il trouve tout “trop grand”. Alors est-il vraiment étonnant que des Américains trouvent l’Europe “trop petite” ? Peut-on réellement parler de grossophobie systémique, ou s’agit-il parfois de différences culturelles en matière de design, d’alimentation et de rapport au corps ? La frontière est fine, mais la question mérite d’être posée – surtout quand on souhaite avancer vers une société plus inclusive, sans pour autant effacer les identités culturelles de chacun.
Source des images : IA CANVA