L’ascension d’Ozempic et sa popularité soudaine posent de sérieuses questions quant à l’avenir du mouvement body positive. Alors que ce médicament, initialement conçu pour les personnes atteintes de diabète de type 2, connaît une utilisation grandissante pour ses effets amincissants, certains craignent un retour en force de la minceur comme norme. La question est simple : Ozempic, en devenant une solution « miracle » pour perdre du poids, pourrait-il renverser les avancées faites pour l’acceptation de toutes les silhouettes ?
Qu’est-ce qu’Ozempic et pourquoi fait-il autant parler de lui ?
Ozempic est un médicament produit par la société danoise Novo Nordisk. Conçu pour réguler la glycémie chez les personnes diabétiques, il présente un effet secondaire non négligeable : une perte de poids significative. Le produit agit sur la sensation de satiété en réduisant l’appétit, permettant ainsi aux utilisateurs de consommer moins. Cet effet a rendu Ozempic populaire, non seulement auprès des diabétiques, mais aussi de ceux qui souhaitent mincir sans effort.
En 2O22, des célébrités affichent des silhouettes amincies, déclenchant des spéculations sur l’utilisation d’Ozempic. Les réseaux sociaux, en particulier TikTok, amplifient le phénomène, et le hashtag #ozempic accumule des millions de vues. Ce qui n’était qu’un traitement médical devient alors un outil de transformation physique, alimentant un culte de la minceur sans précédent depuis les années 2OOO.
Retour de la minceur extrême et impact sur le body positive
Dans les années 2O1O, le mouvement body positive a permis à des millions de personnes d’accepter et de célébrer leur corps tel qu’il est. Les campagnes et les célébrités prônant l’acceptation de soi ont contribué à élargir les standards de beauté. Les silhouettes rondes, jadis exclues des podiums et des couvertures de magazines, ont trouvé une place dans le paysage médiatique, donnant un souffle nouveau à une société longtemps obsédée par la minceur.
Or, avec Ozempic, on assiste à une nouvelle tendance où la minceur redevient accessible sans l’effort et la discipline associés autrefois aux régimes. Certaines figures emblématiques du body positive, autrefois militantes de l’acceptation des corps, optent maintenant pour cette transformation rapide. Ce retournement semble remettre en question l’idée même de diversité corporelle, et certains craignent que le body positive ne soit relégué au second plan.
Les risques d’une société « Ozempisée »
Si Ozempic devient une norme d’amincissement, que restera-t-il du body positive ? Le danger est double : non seulement ce médicament menace la diversité des corps, mais il risque aussi de renforcer les normes de beauté restrictives. L’« Ozempic face », un visage émacié et aux traits tirés observé chez ceux qui ont perdu du poids rapidement avec le médicament, illustre bien les transformations physiques associées à cette « ozempisation » de la société.
Les créateurs de mode, eux aussi, semblent suivre cette tendance. Lors des dernières Fashion Week, les mannequins plus size, célébrés pour représenter des corps variés, se font plus rares, et les modèles très minces reviennent en force. En conséquence, les standards de beauté commencent à exclure à nouveau les personnes rondes.
Effets secondaires et conséquences pour la santé
L’un des aspects les plus préoccupants d’Ozempic réside dans ses effets secondaires. Outre les troubles digestifs, il peut provoquer des douleurs abdominales, des vomissements et, dans de rares cas, des pancréatites. Sans oublier que l’effet du médicament n’est pas permanent : dès que l’utilisateur arrête les injections, les kilos perdus reviennent souvent. Cette course à la minceur peut alors se transformer en cercle vicieux, créant une dépendance physique et psychologique.
De plus, le manque d’informations sur les conséquences à long terme inquiète les professionnels de santé. L’ère de l’amincissement « sans effort » pourrait laisser des séquelles profondes, tant sur le plan physique que mental, si de graves effets secondaires se manifestent dans les années à venir.
L’impact sur l’industrie du bien-être et la culture du fitness
L’arrivée d’Ozempic a également eu un effet sur l’industrie de la santé et du fitness. Les ventes de livres et de programmes de régimes, de nutrition et de fitness ont diminué de 15 % entre 2O22 et 2O24, selon certaines estimations. Pourquoi s’astreindre à des séances de sport ou à des régimes restrictifs si une simple injection hebdomadaire peut faire fondre les kilos ?
Certains dénoncent cette tendance, affirmant que la perte de poids « rapide et facile » pourrait réduire l’importance des habitudes de vie saines et de l’exercice physique. En effet, la santé physique ne se limite pas au poids, mais implique aussi une alimentation équilibrée et une activité physique régulière. Dans un monde ozempisé, les bienfaits globaux du fitness et du bien-être risquent d’être relégués au second plan.
Ozempic : un danger pour la diversité des corps ?
Le mouvement body positive a permis de normaliser les diversités corporelles et de combattre la stigmatisation liée au poids. Il a notamment aidé de nombreuses personnes à dépasser la pression de la minceur et à aimer leur corps tel qu’il est. Cependant, Ozempic menace de remettre en question ces acquis en suggérant que la minceur est préférable et facilement atteignable.
Si cette tendance se généralise, les personnes en surpoids pourraient être de nouveau marginalisées et jugées pour leur apparence. Les injonctions à mincir, souvent insidieuses et culpabilisantes, pourraient ressurgir avec encore plus de force, réduisant les corps à de simples « problèmes » à corriger.
Ozempic et body positive peuvent-ils coexister ?
La question reste ouverte : est-il possible pour Ozempic et le mouvement body positive de coexister ? D’un côté, chacun a le droit de décider de son apparence et de sa santé. De l’autre, promouvoir Ozempic comme une solution universelle pour perdre du poids risque de renforcer les normes de beauté minces et de réduire la diversité corporelle.
Certains défenseurs du body positive estiment qu’accepter et respecter toutes les silhouettes, y compris celles qui choisissent Ozempic, est essentiel. D’autres, cependant, craignent que l’usage généralisé de ce médicament perpétue des standards de beauté irréalistes.
Source photo de couverture : Photo de Andres Ayrton: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-mesurant-sa-taille-655159/