Depuis quelques années, le mouvement body positive gagne du terrain. Sur les réseaux sociaux comme dans les médias, de plus en plus de voix s’élèvent pour promouvoir une vision bienveillante du corps, ouverte à toutes les morphologies. Cette philosophie, qui a déjà aidé de nombreux adultes à se réconcilier avec leur apparence, est tout aussi essentielle – sinon plus – pour les plus jeunes. Face aux standards de beauté irréalistes et à la pression médiatique, les enfants et les adolescents sont particulièrement vulnérables. Les initier tôt à la diversité corporelle leur offre une meilleure estime d’eux-mêmes à long terme, et constitue un solide rempart contre les injonctions néfastes véhiculées par notre société.
Un environnement saturé d’images standardisées
Dès la naissance, et même parfois avant, les enfants sont plongés dans un environnement où la publicité, les émissions de télévision et les réseaux sociaux diffusent des silhouettes et des visages lisses, retouchés ou idéalisés. Les plus jeunes, lorsqu’ils grandissent, accèdent tôt à des plateformes comme Instagram ou TikTok, devenues d’immenses vitrines de l’apparence. Les filtres et les outils de retouche accentuent encore davantage la déconnexion entre les images vues à l’écran et la réalité des corps humains.
Ce décalage engendre un climat de comparaison. L’enfant ou l’adolescent constate que son propre reflet n’a pas la « perfection » des photos qu’il voit défiler. Il en déduit parfois qu’il n’est « pas assez ceci » ou « trop cela » – son ventre serait trop arrondi, sa peau pas suffisamment unifiée, ses cuisses trop ou pas assez musclées. Cette spirale de jugement nourrit un mal-être susceptible de s’installer durablement.
Une étude menée au Centre de recherche sur l’image corporelle de l’Université de Bristol révèle d’ailleurs qu’environ 60 % des jeunes de 12 à 18 ans se déclarent insatisfaits de leur apparence après avoir parcouru leurs réseaux sociaux. De tels chiffres montrent à quel point il est crucial de sensibiliser les enfants à la diversité corporelle dès le plus jeune âge.
Les conséquences sur l’estime de soi
Lorsque la perception de son propre corps est façonnée par des normes de beauté inatteignables, le risque de développer un complexe ou même un trouble alimentaire augmente. Pour les enfants, qui traversent des phases de croissance et des transformations physiques importantes, l’impact peut être encore plus déstabilisant.
Le manque d’estime de soi qui peut naître de ces comparaisons précoces a des répercussions sur différents plans : relations sociales, confiance en ses capacités, voire réussite scolaire. Un enfant convaincu que son apparence est « inférieure » ou « inadéquate » aura tendance à se refermer, à craindre le regard des autres et à développer un sentiment de honte ou de culpabilité vis-à-vis de son propre corps.
Le rôle déterminant des parents et des éducateurs
Dans un tel contexte, le rôle des adultes est essentiel. Parents, professeurs et autres figures d’autorité peuvent poser les bases d’un rapport au corps plus équilibré. Voici quelques pistes pour favoriser la body positivity chez les plus jeunes :
- Valoriser les qualités non liées à l’apparence
Au lieu de complimenter uniquement le physique, il est plus constructif de mettre en avant la personnalité, le talent ou la persévérance. Par exemple, remplacer « Tu es vraiment belle aujourd’hui » par « J’admire ta créativité dans ce dessin » ou « Tu expliques les choses avec beaucoup de clarté ». - Éviter les remarques sur le poids
Les phrases du type « Tu as grossi » ou « Tu as maigri » peuvent créer un lien toxique entre la valeur de la personne et son poids. Privilégier des commentaires autour de la santé ou de la forme physique (dans le sens de “bien-être”) est bien plus bénéfique. - Montrer l’exemple
Les enfants observent et imitent les adultes qui les entourent. Un parent qui critique systématiquement son propre corps ou qui fait des régimes drastiques véhicule un message contradictoire. Faire la paix avec son image, autant que possible, contribue à offrir un modèle de confiance et d’acceptation. - Diversifier les références visuelles et culturelles
Lire des livres qui mettent en avant des héros de tailles et d’apparences variées, regarder des films ou des séries où la diversité corporelle est représentée, tout cela permet aux enfants de comprendre que la beauté ne se limite pas à une seule et unique silhouette.
Les réseaux sociaux : un défi à relever
Les plateformes comme TikTok et Instagram font partie intégrante de la vie des jeunes ; il serait illusoire de vouloir les en priver totalement. Cependant, il est possible de les guider pour qu’ils développent un regard plus critique face aux images qu’ils y rencontrent.
- Expliquer la retouche photo
Faire prendre conscience que la majorité des photos publiées sont modifiées (filtres, éclairage, angles flatteurs…) aide les enfants à comprendre que ce qu’ils voient n’est pas toujours « la vraie vie ». - Encourager la diversité dans les abonnements
Il existe de nombreux créateurs de contenus qui prônent la body positivity. Les inciter à suivre des comptes mettant en avant différentes morphologies permet de varier les représentations. - Instaurer un dialogue ouvert
Plutôt que de diaboliser les réseaux sociaux, mieux vaut en discuter : demander à l’enfant ce qu’il aime regarder, ce qui le fait se sentir bien ou au contraire ce qui le dérange. Ainsi, il apprendra à identifier ses émotions et à repérer les contenus néfastes.
Construire une relation saine avec son corps dès l’enfance
Le mouvement body positive ne se limite pas à dire « aime ton corps ». C’est un processus actif qui consiste à :
- Remettre en question les normes imposées
Comprendre d’où viennent ces standards esthétiques (publicité, influence historique, univers de la mode, etc.) aide à prendre du recul. - Apprendre la gratitude corporelle
Encourager un enfant à remercier son corps pour les actions qu’il lui permet d’accomplir (courir, sauter, danser, jouer d’un instrument, etc.) développe une approche plus fonctionnelle et moins centrée sur l’apparence. - Respecter les changements
Les enfants grandissent et voient leur corps évoluer : prise de taille, fluctuations de poids, parfois l’apparition de l’acné à l’adolescence… Souligner que ces changements sont normaux et naturels les libère d’un stress supplémentaire. - Assumer ses besoins et préférences
Pratiquer une activité physique pour le plaisir plutôt que pour « brûler des calories » ou « sculpter son corps » permet de développer une relation plus sereine avec le sport.
Les bénéfices à long terme
Lorsqu’un enfant apprend à s’accepter tel qu’il est, les répercussions positives se font sentir jusque dans l’âge adulte. Une étude du National Eating Disorders Association indique que les adolescents ayant reçu une éducation autour de la diversité corporelle et de l’acceptation de soi sont moins enclins à développer des troubles alimentaires plus tard.
De plus, ils ont tendance à entretenir une relation plus harmonieuse avec leur corps, évitant les régimes à répétition et les comportements de restriction ou de compensation. Leur santé mentale s’en trouve aussi renforcée : une meilleure estime de soi, moins de culpabilité, une plus grande résilience face aux critiques ou aux périodes de doute.
Favoriser le dialogue à chaque étape de la croissance
La construction identitaire ne se fait pas du jour au lendemain. Il est donc essentiel de rester disponible pour l’enfant ou l’adolescent, de l’écouter et de répondre à ses interrogations sans jugement. Que ce soit un questionnement sur sa silhouette, sur son visage qui change ou sur l’acné, chaque question mérite une réponse honnête et rassurante.
Les adultes peuvent aussi se former et s’informer, que ce soit grâce à des ouvrages dédiés au body positivisme, à des émissions ou à des blogs de professionnels. Avoir des connaissances solides sur le sujet permet d’être plus pertinent et plus soutenant au quotidien.
Quelles activités pour encourager la body positivity chez les enfants ?
- Peindre ou dessiner des silhouettes variées
En classe, en atelier ou à la maison, on peut proposer de peindre ou de dessiner différentes morphologies, en prenant soin de montrer que chaque corps a une valeur. - Lire des livres illustrés montrant la diversité corporelle
Les contes ou albums jeunesse se modernisent et certains présentent désormais des héros et héroïnes de toutes les tailles, de toutes les couleurs de peau. C’est un moyen ludique de se familiariser avec le concept d’acceptation. - Discuter de ce que l’on voit dans les films et les dessins animés
Après une séance télé, on peut échanger sur la représentation des personnages : y a-t-il différentes morphologies ? Quels stéréotypes remarque-t-on ? Cette prise de conscience collective renforce l’esprit critique. - Instaurer des moments de mouvement sans pression
Il peut s’agir de danse libre, de yoga familial ou de balades en plein air, où l’objectif n’est pas la performance mais le plaisir de bouger et de se sentir vivant.
Un levier pour la société de demain
Au-delà de l’aspect individuel, enseigner la body positivity dès l’enfance est un acte fort de changement sociétal. En grandissant, ces enfants confiants et bien dans leur peau deviendront des adultes moins enclins à juger les autres sur leur apparence. Ils auront intégré qu’il n’existe pas un seul modèle de beauté, mais une multitude de corps et d’identités, tous aussi valables les uns que les autres.
Ce regard positif sur la diversité se répercutera dans leurs choix de vie, leurs relations, leur façon de consommer et de communiquer. Ils seront, à leur tour, plus susceptibles de faire évoluer les entreprises, l’éducation, la publicité et les médias vers un horizon où la beauté ne se résume pas à une taille de vêtement ou à un visage lisse.
Conclusion
Le body positivisme est bien plus qu’une simple tendance : c’est un outil puissant pour donner aux enfants les clés d’une relation saine, respectueuse et aimante avec eux-mêmes. Dans un monde où les images retouchées et les normes drastiques sont partout, chaque adulte peut contribuer à créer un cocon de bienveillance en valorisant la diversité corporelle, en évitant les jugements sur l’apparence et en encourageant les jeunes à se concentrer sur ce que leur corps leur permet de faire.
En veillant à cet apprentissage dès le plus jeune âge, on offre aux futures générations un solide rempart contre la pression sociale et les idéaux irréalistes. Chacun, qu’il soit enfant, adolescent ou adulte, mérite d’apprécier son corps, de grandir avec lui et de se sentir légitime, quelles que soient ses formes ou ses particularités. Le body positivisme semé dans l’enfance fleurit bien souvent en une confiance durable, permettant de devenir un adulte épanoui et bien dans sa peau.
Source des images : IA CANVA
