Le poids corporel est influencé par de nombreux facteurs : l’alimentation, l’activité physique, le sommeil ou encore la génétique. Mais une nouvelle étude japonaise ouvre une piste étonnante : celle de la saison de notre conception. Selon les chercheurs de l’Université de Médecine de Tokyo, le moment où une personne est conçue pourrait laisser une empreinte durable sur son métabolisme et sa manière de stocker les graisses.
Une étude inédite sur la graisse brune
Cette recherche, publiée dans la revue Nature Metabolism, a été menée sur 680 individus âgés de 3 à 78 ans. Les scientifiques se sont intéressés à un tissu bien particulier : le tissu adipeux brun. Contrairement à la graisse blanche, qui emmagasine l’énergie, la graisse brune est capable de brûler des calories pour produire de la chaleur. Ce phénomène, appelé thermogenèse, joue un rôle important dans la dépense énergétique.
Les résultats de l’étude montrent que les personnes conçues durant les mois les plus froids de l’année – entre octobre et avril – présentent une activité plus intense de leur graisse brune. En conséquence, ces individus ont tendance à brûler davantage de calories au repos, à avoir un indice de masse corporelle (IMC) plus bas et à stocker moins de graisse autour des organes vitaux.

Une question d’épigénétique ?
Comment expliquer qu’un facteur aussi lointain que la saison de conception puisse influencer le métabolisme des décennies plus tard ? L’équipe japonaise évoque un mécanisme épigénétique. En clair, les conditions environnementales au moment de la fécondation – ici, le froid – pourraient modifier temporairement l’expression de certains gènes, sans toucher à l’ADN lui-même.
Ces modifications, bien que subtiles, pourraient influencer durablement la manière dont le corps régule la production et l’activation de la graisse brune. Le développement embryonnaire étant une période particulièrement sensible, ces signaux précoces pourraient être mémorisés dans les cellules et se manifester tout au long de la vie.
Le rôle central de la graisse brune
Longtemps considérée comme peu importante chez l’adulte, la graisse brune est aujourd’hui au cœur des recherches métaboliques. Elle est capable de consommer du glucose et des acides gras pour générer de la chaleur, ce qui la rend précieuse dans la lutte contre l’obésité et le diabète de type 2.
Chez les nouveau-nés, elle est essentielle pour maintenir la température corporelle. Chez les adultes, elle est présente en quantité moindre, mais reste active. Or, une activité accrue de la graisse brune est corrélée à un meilleur contrôle du poids, une réduction des inflammations et une amélioration de la sensibilité à l’insuline.

Une observation confirmée dans d’autres pays
Les conclusions de cette étude japonaise rejoignent celles d’autres recherches menées à l’étranger. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, des chercheurs ont observé que les personnes conçues pendant les mois froids avaient tendance à avoir un IMC plus faible et un métabolisme plus actif.
Ces données suggèrent que l’effet de la saison de conception pourrait dépasser les frontières culturelles ou alimentaires, et relever d’un phénomène biologique plus universel. Cela ne signifie pas que les individus conçus en été sont condamnés à prendre du poids, mais plutôt que leur point de départ métabolique pourrait être légèrement différent.
Ce que cela change pour la santé publique
L’idée que la saison de conception influence le métabolisme interroge la manière dont nous abordons la prévention des troubles métaboliques. Si certains paramètres sont déjà joués avant même la naissance, cela invite à une réflexion plus globale sur l’environnement périnatal.
Cela ne signifie pas qu’il faille planifier les conceptions en hiver. L’environnement, l’éducation alimentaire, l’activité physique et l’accès aux soins ont évidemment un impact bien plus fort sur le long terme. Mais cette découverte souligne à quel point les premiers instants de la vie – voire même ceux qui précèdent la grossesse – peuvent avoir des conséquences physiologiques durables.

Les limites de l’étude
Bien que prometteuse, cette étude reste exploratoire. Les chercheurs eux-mêmes précisent que l’échantillon reste relativement modeste, et que d’autres facteurs – comme les conditions de grossesse, l’alimentation maternelle ou les variations génétiques – peuvent également entrer en ligne de compte.
Par ailleurs, il ne s’agit pas de prouver un lien de causalité direct et exclusif entre la saison de conception et l’IMC à l’âge adulte. Il est question ici d’un facteur parmi d’autres, susceptible de moduler légèrement la réponse métabolique individuelle.
Des pistes pour la recherche
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles études sur les déterminants précoces du métabolisme. Comprendre comment l’environnement influence l’activation de certains tissus comme la graisse brune pourrait permettre de développer des stratégies préventives ou thérapeutiques ciblées.
La médecine de demain pourrait ainsi tenir compte de données encore peu exploitées, comme la saison de naissance ou la température ambiante pendant les premiers stades du développement, pour affiner le suivi de certaines pathologies métaboliques.
La saison de conception apparaît comme un marqueur inattendu, mais potentiellement significatif, dans la régulation du poids corporel à long terme. Cette recherche japonaise rappelle que notre environnement, même au tout début de la vie, peut influencer nos capacités métaboliques.
Si les résultats doivent être confirmés par d’autres études, ils enrichissent la compréhension des mécanismes complexes qui déterminent notre poids adulte. Et surtout, ils soulignent une fois encore l’importance d’un regard global sur la santé, depuis la conception jusqu’à l’âge adulte.
Source des images : CHAT GPT